samedi 22 octobre 2011

L'île aux parfums ...de lacrymo.

Récapitulons : barrages en tous points de l'île, agressions violentes de blancs, viols, rackets, supermarchés pillés, certains incendiés, attaque de gendarmerie, fuite du préfet sur un bateau après un caillassage en règle à sa sortie de Mayotte Première, l'ambiance est assez pesante depuis quelques jours, surtout à la suite de la mort d'un manifestant, décédé " officiellement " d'un arrêt cardiaque, "officieusement", à la suite d'un tir de flash-ball. Les transports scolaires sont suspendus, le vice-recteur encourage ses personnels à assurer la continuité du service public, et dans le même temps, les chefs d'établissements, conscients des risques encourus par les personnels qui se déplacent, encouragent ceux-ci à ne pas quitter leur domicile.
Beaucoup de mzoungous cherchent à quitter l'île, malgré les difficultés pour rejoindre l'aéroport. De nombreuses entreprises privées ont rapatrié les familles de leurs employés depuis le début des évènements. D'autres, victimes d'agressions et traumatisés, repartent par le premier avion disponible. Ici, l'ambiance est tendue, les propos racistes resurgissent des deux côtés (forces de l'ordre et manifestants). Les informations que vous avez en métropole sont soigneusement sélectionnées. Vous avez en effet pu admirer des clients effectuant leurs courses dans les magasins. Ces magasins ont été ouverts sur ordre du préfet, sécurisés par les CRS, ce qui a entrainé une rapide réaction : ils ont dû vite rebaisser les rideaux métalliques, évacuer leurs clients par des issues secondaires, lesquels clients étaient attendus au premier rond-point par des personnes qui les ont aussitôt délestés de leurs achats. Ces magasins ont depuis été pillés, saccagés, et même incendiés pour certains.
Au port de Longoni, des centaines de conteneurs sont bloqués, remplis de produits frais. Tout cela ne pourra être mis en vente. Les autres navires ne peuvent accoster, donc nous devrons patienter avant de pouvoir acheter de nombreux produits. Pour l'instant, nos préoccupations essentielles sont notre sécurité et la survie alimentaire. Cela fait un mois que les magasins sont fermés et que nous n'avons pu nous ravitailler, excepté certains produits disponibles dans certaines petites boutique au début. Mais aujourd'hui, tout manque, surtout l'essentiel.
Vous n'aurez pas le droit à des photos des barrages, il nous est impossible d'en faire. Se faire prendre avec un appareil photo sur les barrages, c'est être accusé de collaborer avec la police et donc passer un sale quart d'heure. Déjà, se faire arrêter sur un barrage, c'est dangereux. Un pauvre gars rentrant chez lui en scoot a eu le malheur de vouloir franchir un barrage. Passage à tabac et coup de couteau. Faut pas jouer avec ça, les gamins sont excités et incontrôlables. D'autres ont reçu des cocktails molotov sur leur voiture en ramenant leurs enfants à la maison. On ne parle jamais de toutes les exactions commises sur des métropolitains par une minorité violente. Mais elles sont nombreuses.
Voilà, c'étaient les dernières infos sur la situation à Mayotte vue de M'tasahara, petit village qui a vu lui aussi l'apparition de barrages à ses deux extrémités depuis que les leaders syndicaux ont appelé la population à mener des actions dans leurs villages et plus seulement à Mamoudzou.
A plus pour des infos plus positives je l'espère.

mercredi 19 octobre 2011

Courses, acte 1

Ce matin, lever à 4h15 pour une tentative de réapprovisionnement à Kawéni, à la Sodifram. Le magasin  a été ouvert en partie hier matin sous protection des CRS  et des gendarmes mobiles. Réaction immédiate des manifestants qui n'ont pas apprécié ce qu'ils considèrent comme une provocation. Le même scénario étant envisagé pour aujourd'hui, nous avons décidé de partir avec un voisin taximan à 5 heures afin d'essayer  d'anticiper la mise en place des barrages. Peine perdue. Dès notre départ, nous avons été informés par les autres "pilotes" de taxi (ici, on ne conduit pas un taxi, on le pilote, le plus souvent), de l'existence de barrages dans tous les villages, et donc de l'impossibilité de circuler. D'ailleurs, nous avons essayé et nous avons été obligés de rebrousser chemin au bout de 3 kilomètres. Retour à ,la case à 5h45, cabas désespérément vides.
Ce sera pour une autre fois. Pas avant samedi, maintenant, travail oblige. En attendant, mes voisins m'ont dit qu'il n'y avait aucun problème, tant qu'ils auront à manger, je serai nourri. Et comme ils ont des champs de manioc, de bananes, des ananas, des mangues, ont peut tenir longtemps avec un régime alimentaire peu varié mais appréciable dans ce genre de conditions.


Tiens, au fait, nous entrons de plein fouet dans l'été, ce qui donne lieu à des précipitations régulières et brutales.


On comprend alors pourquoi les caniveaux sont sur-dimensionnés.


C'est l'occasion pour certains de jouer dans les caniveaux avec des bateaux  de fortune.
 

Et pour d'autres, c'est simplement le plaisir de prendre une douche rafraîchissante.

C'est la crise...

Ben voilà, les vacances sont terminées, mais pas les évènements mahorais. Résultat : des vacances passées sans grand déplacement pour cause de barrages, de problèmes d'approvisionnement en carburant et donc de l'absence de taxis. Et j'attaque ma quatrième semaine de disette, de magasins fermés et de petites boutiques dévalisées car non réapprovisionnées. Frigo désespérément vide, congel idem, conserves en fin de parcours ...
Voici quelques moments des derniers jours immortalisés sur la carte mémoire.
Commençons par la venue de la Ministre. Pour me joindre aux Mahorais, j'ai rejoint Mamoudzou dans la benne d'un pick-up. Trois quart d'heure de route assis sur la ridelle.


Pas toujours facile de se photographier en roulant.

Et le midi, pique-nique improvisé dans une guérite en construction, à l'écart de la foule. 
Organisés, les Mahorais.






 En attendant la possibilité de refaire le stock, quand on n'a plus de riz, on se rabat sur le riz local, ce qui demande un peu d'huile de coude.




Un certain coup de main,


de la main d'oeuvre,
car c'est assez long,
et toutes les bonnes volontés sont les bienvenues, même les mzoungous
pour un résultat final assez intéressant.
Et quand on n'a pas mangé le midi, la perspective de se rassasier le soir donne de l'énergie. 

Lait et pulpe de coco à volonté ...
 
Brèdes manioc aussi, sont pas prêt d'affamer la population des villages, les distributeurs ...      




mercredi 12 octobre 2011

"Maba-War"

Eh oui, c'est la guerre. Les Mahorais ne pensaient pas qu'en manifestant contre le prix abusif des mabawas (ailes de poulet), il finiraient pas les détester, les poulets. Trop de poulet tue le poulet. C'est le principe des vases communicants : moins il y a d'ailes de poulet sur l'île, plus il y a de poulets. Et ceci avec toutes les conséquences que cela implique : répression, dispersion, usage de plus en plus fréquent de la lacrymo, de la matraque et du flash-ball. Et en face caillassages, incendies, barrages.

Je constate avec plaisir que les médias métropolitains qui se sont tus depuis le début des évènements commencent enfin à en parler. Il était temps. A croire qu'ils avaient reçu des consignes. Enfin, hier j'ai trouvé des oignons, et aujourd'hui, j'ai réussi à me procurer des tomates. Comme il y a des piments frais au frigo, on va pouvoir se remettre à cuisiner avec les restes. Et ma voisine a mis la main sur un carton de mabawas. Ce soir, ce sera mabawas avec riz et rougail. Et avec un peu de chance, il reste des brèdes manioc cuisinées au lait de coco avec de la pulpe de coco. Hier, c'était poisson avec manioc jaune et poutou, bien sûr. Incroyable, l'importance de la bouffe quand on a du mal à se réapprovisionner et que l'on ne sait pas ce que l'on mangera dans quelques jours. Le plus dur est pour les familles mahoraises qui ont de nombreux enfants. Ici, encore, tout le monde cultive plusieurs lopins de terre à la campagne, et donc toute famille, du moins, les pas trop jeunes, dispose de manioc, de cocos, de bananes vertes au minimum. Mais sur "Petite Terre", pas de campagne. Et pour les mzoungous dans leur lotissement SIM, bien à l'écart des Mahorais, idem. Et là, ça se complique. Magasins fermés, petites boutiques dévalisées, c'est la course à la survie alimentaire.
Vous comprendrez que l'article sur la cuisine mahoraise attendra un petit peu. Et si vous voulez faire des dons à mon intention, en nature, et bien de chez nous, je vous en prie, n'hésitez pas à m'adresser vos colis de spécialités bretonnes. J'en prendrai bien soin. En attendant, je n'ai toujours pas reçu mon cadeau d'anniversaire, parti de métropole depuis plusieurs semaines, par voie postale, par avion. Ouin!!!!

 Bon, allez, je vous laisse. Ah, si vous avez des questions ou si vous voulez orienter le débat, allez-y, ne vous privez pas. Je me ferai un plaisir d'aborder avec vous tout sujet qui vous semblerait intéressant.
Tiens, on se quitte avec Momo, le géko, collé au plafond...

samedi 8 octobre 2011

Blue Lagoon

Le" Lagon Bleu". Tel pourrait être le surnom de Mayotte depuis deux semaines. Bleu sous l'eau, mais bleu aussi sur l'île. Bleu gendarmerie, bien sûr, car nous finissons la deuxième semaine de manifestations, de barrages, d'affrontements entre jeunes et forces de l'ordre, et donc la deuxième semaine de magasins fermés, de stations fermées, et donc de vidage de congélateurs et frigos. Deux semaines sans faire de courses, sans se déplacer, sauf sur de petits trajets. Tout le monde, mzoungous et Mahorais, explore les fonds de placards, de congelos et de réfrigérateurs en attendant la levée des barrages et le réapprovisionnement des stations et des magasins.






Difficile dans ces conditions d'aller à la plage, impossible de se promener. Une semaine de vacances passée à jouer à la pétanque et à s'occuper comme on peut. Donc, peu de nouvelles photos cette semaine. Je vous prépare un petit topo sur la cuisine mahoraise, soyez patients. En attendant de vous l'expliquer, je la savoure.

dimanche 2 octobre 2011

Shigoma

 Tout aussi sérieux que les manifestations, mais sur un ton plus léger et festif, le Shigoma.
Le Shigoma est une danse traditionnelle mahoraise, dansée presque exclusivement par des hommes. Cette danse est pratiquée à l'occasion des mariages, ou parfois lors d'une soirée organisée dans un village. Dans ces cas là, autant faire le déplacement puisque de toute façon, vous risquez fort de l'entendre de chez vous et de ne pas dormir. Ce soir là, nous étions deux mzoungous à assister à la soirée, parmi une part importante de la population du village.

Première étape : préparation des instruments.

Les danseurs évoluent en cercle ...

autour des musiciens. Vous remarquerez que la caisse claire est un tambour ... de machine à laver. Et la sonorité est excellente.



Au centre se trouvent les chanteurs, au nombre de deux.



Deux groupes étaient présents ce soir là : M'tsahara en rose et Sada en bleu.

Au centre, des danseurs se livrent à des "battle".



Sous le regard amusé des autres danseurs.

samedi 1 octobre 2011

Manifestations contre la vie chère depuis mardi...

Marie-Joe- Flash-Infos

Voilà ce que l'on ne dit jamais, ce dont la télé française ne parle jamais, le malaise récurent à Mayotte : le coût de la vie, non pas pour les mzoungous, mais pour les Mahorais sans emploi, c'est à dire pour la majorité de la population. Je le savais avant de venir, tous les ans, Mayotte vit des évènements liés au coût de la vie, les forces de l'ordre et les manifestants s'affrontent lors de manifestations relativement violentes. En marge des manifestations, les jeunes, désoeuvrés, vivant dans des situations plus que précaires, sont venus pour en découdre avec les symboles de l'Etat, casqués et gantés qui leur font face.
Depuis mardi, ici, c'est la grève et les manifestations contre la vie chère. Blocages des axes de circulation, fermeture des magasins et des rares stations de l'île, et donc paralysie de l'activité économique. Impossible pour les collègues habitant à une certaine distance du collège de venir au travail, beaucoup trop dangereux pour les mzoungous de se déplacer, eux qui sont accusés par certains d'être à l'origine de la flambée des prix avec leur pouvoir d'achat. Comme chez nous, dans certains quartiers difficiles, ces jeunes échappent à tout contrôle, et les mzoungous sont alors à leurs yeux des symboles de l'Etat français.
Bon, ce week-end, c'est la trêve, mais les actions reprendront dès lundi. Pour vous informer sur ce que l'on ne vous dit pas, voici quelques photos des évènements de jeudi. Il semblerait que la journée de vendredi ait été plus chaude.